Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/162

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simple point de vue du plaisir, au simple point de vue de la faculté que l’homme a de jouir, est extrêmement raisonnable. On peut concéder cela aux Eudémoniens en se plaçant un moment dans leur conception, dans leur esprit. Un homme qui se procurerait des plaisirs esthétiques, qui s’adonnerait aux recherches scientifiques, qui rendrait des services à ses semblables, qui se ferait utile à sa patrie et qui serait capable de lutter contre lui-même et de remporter des victoires sur les tendances qu’il jugerait en lui méprisables, funestes ou ridicules ; cet homme ne pourrait être considéré comme jouissant du souverain bien ; il ne pourrait même pas être dit heureux ; mais on peut très bien accorder aux partisans de la morale du plaisir qu’il goûterait des jouissances dont la réalité n’est pas niable. Et s’il faut une morale appropriée aux forces humaines, c’est-à-dire appropriée, degré par degré, aux forces de celui-ci, de celui-là ou de tel autre, ne contestons pas que cette morale du plaisir, entendue comme nous venons de l’entendre, est faite pour de très honnêtes gens et très estimables, et est le degré où une partie déjà assez noble de l’humanité peut s’élever.

Celui qui dira : sapere ad sobrietatem, ou : ne quid nimis, pourra embrasser cette morale-là et s’y tenir.