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POUR QU’ON LISE PLATON

pas de le répéter dans la moitié au moins de ses dialogues, c’est qu’il vaut mieux subir l’injustice que de la commettre. La mort de Socrate lui a appris cela et il ne l’a pas oublié et il ne veut pas que personne l’oublie.

Subir l’injustice vaut mieux que la commettre, à tous les points de vue où l’on puisse se placer.

D’abord en soi ; car l’injustice est un désordre. Cette harmonie que l’âme doit chercher à réaliser en elle-même à la fois comme son état naturel et son état idéal, c’est précisément la justice, ou la justice en est un des aspects. Justice est ce qui est juste pour les choses morales, comme justesse est ce qui est juste par les choses d’ordre intellectuel. La justice est la justesse de la conscience. Une âme injuste est une âme qui sonne faux. Le même mot désigne, et à très bon droit, ce qui est juste et ce qui est bien réglé. Les Grecs disent : Δικαίαν γνωμην ποίειν ; ἵππον καὶ βοῦν δικαίους ποίεισθαι ; δίκαιον ἅρμα ; une pensée de justice ; rendre un cheval et un bœuf justes, un char juste. Il y a dans le mot l’idée générale de bonne organisation et d’organisme bien fait.

Or qui voudrait avoir une âme qui sonnât faux comme une lyre mal accordée ? Et qui ne reconnaîtra qu’il vaut mieux souffrir d’un instrument