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POUR QU’ON LISE PLATON

sent qu’il n’y a pas à en dire du mal parlant à des Grecs, et il sent bien qu’elle n’a rien à faire avec la morale ; et c’est précisément pour cela que, ne voulant ni ne pouvant la mépriser, il se livre à des pratiques de dialectique pour la faire comme tendre de force à la vertu, et à l’idéal moral. Ou la mépriser : c’est impossible ; — ou l’identifier avec la vertu en une dernière transformation que le dialecticien se charge allègrement de lui faire subir. C’est à ce dernier parti qu’il s"est arrêté et parce qu’il le fallait et aussi parce qu’il aime se jouer des difficultés et jouer la difficulté.

Remarquez aussi qu’il était comme dirigé de ce côté-là par un autre chemin, j’entends par sa théorie des Idées et de la réminiscence. Chaque chose d’ici-bas n’est qu’un reflet ou plutôt n’est qu’une manifestation imparfaite d’une idée générale, universelle et éternelle de cette chose, laquelle idée réside dans le sein de Dieu. « Une chose belle » d’ici-bas n’est donc qu’une manifestation de l’Idée de beauté, de l’Idée absolue de beauté. Il faut qu’elle soit cela. Autrement elle ne serait pas. L’homme donc, qui voit une chose belle et qui éprouve le désir de s’unir à elle, n’est donc qu’un homme qui a autrefois contemplé la Beauté absolue et qui est vivement frappé d’en retrouver une image, si imparfaite qu’elle soit. S’il est grossier, pour une