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POUR QU’ON LISE PLATON

L’amour est donc, avant tout, curiosité. Or ce dont on est curieux, c’est ce qu’on n’est pas soi-même. L’amour de l’homme pour la femme, sans aller plus loin, c’est l’amour de l’inconnu. Et aussi l’amour de l’homme de haute stature pour la femme de petite taille, c’est l’amour de l’inconnu, l’amour de ce que l’on ne connaît pas, parce qu’on ne le trouve pas en soi ; l’amour de l’homme brun pour la femme blonde, de l’homme autoritaire pour la femme faible, de l’homme faible pour la femme volontaire, de l’homme timide et gauche pour la coquette, c’est une curiosité de l’inexploré, du nouveau, du dehors, de ce qu’on ne trouve pas dans sa maison, de ce à quoi l’on n’est pas habitué. L’état d’âme de l’amoureux et celui de l’explorateur sont le même état d’âme. L’effarement des familles tranquilles dans lesquelles le jeune garçon introduit une jeune épouse agitée, trépidante, claquante et tourbillonnante est amusant parce que, d’instinct, on le trouve illogique : « Qu’a-t-il donc ? Nous ne l’avions pas élevé ainsi ! — Eh ! c’est précisément pour cela ! »

Et cette explication de l’amour est explicatif de l’infidélité, sans quoi, du reste, elle ne le serait pas de l’amour. L’homme infidéle, la femme infidèle, est un être qui, soit par hasard, soit par suite