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POUR QU’ON LISE PLATON

ritablement vous servir. Voilà ce qu’il faut entendre de cette double loi : soin du corps, mépris de la chair ; renoncement à la chair et harmonie parfaite du corps et de l’âme.

Remarquez qu’une telle théorie et qu’une telle éducation n’exclut pas les plaisirs ; elle les méprise, elle ne les exclut pas. Il convient à une âme libre et forte et qu’on veut qui reste telle, d’avoir fait l’épreuve, l’expérience et comme l’apprentissage des plaisirs pour n’en être pas séduite plus tard et trop tard et pour avoir appris à temps à les mépriser. « Les Crétois en leur législation, du reste si excellente, ont cru qu’il fallait aguerrir les jeunes gens aux fatigues, aux dangers et à la douleur, parce que, si dès l’enfance on s’applique à les éviter, on fléchit devant eux, plus tard, quand on les rencontre et devant ceux aussi qui s’y sont exercés, et l’on devient esclave de ces derniers. C’est très bien vu. Mais n’en faudrait-il pas dire exactement autant des plaisirs ? Si nos citoyens ne font, dès la jeunesse, aucun essai des plus grands plaisirs ; s’ils ne sont point exercés d’avance à les surmonter quand ils y seront exposés, de telle sorte que jamais le penchant qui nous entraîne vers la volupté ne les puisse contraindre à commettre une action honteuse, s’ils n’ont pas pris comme cette précaution dangereuse, il leur arrivera la même chose