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POUR QU’ON LISE PLATON

n’avaient pas envie de connaître et qui n’était pas fait pour leur façon de respirer. Ils les haïraient donc, plus ou moins consciemment ; et ce demi-savoir, précisément, qu’ils auraient acquis, en tant qu’il serait une petite force, une force restreinte, mais réelle pourtant, ils le tourneraient avec quelque colère, ou au moins quelque aversion, contre leurs maîtres et les vrais disciples de leurs maîtres. Je ne serais pas très étonné que l’éducation donnée à ceux qui ne la demandent pas n’eût qu’un effet : faire prendre à la majorité de chaque génération le contrepied de toutes les idées de la génération précédente ; faire prendre à la majorité de la génération éduquée le contrepied des idées de la génération éducatrice. Et à tel jeu et au cours de ces alternances, c’est la vérité qui se perdrait et qui ne se retrouverait plus.

Ce qui est donc rationnel ici, c’est ce qui est naturel. Que ceux-là reçoivent la connaissance qui la désirent, que ceux-là soient dirigés doucement vers la vérité qui la cherchent naturellement. Que ceux-là restent dans l’ignorance qui n’acquéreraient jamais qu’un demi-savoir, à tout le moins inutile et peut-être redoutable. C’est en vérité, quand j’y songe, ce qui me faisait dire qu’il ne faut aucune rigueur ni même aucune autorité dans l’éducation, dût cette nonchalance éliminer