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POUR QU’ON LISE PLATON

conviens pas que j’aime assez vivement tout cela. Mais j’aime mes concitoyens, et je ne suis pas aussi certain que je voudrais l’être que tu les aimes. Tu t’imagines que c’est uniquement par amour-propre que je veux commander ici et faire de grandes choses dans toute l’étendue de notre empire. Tu m’as trop appris la valeur de la vérité pour que je ne confesse point qu’il y a de l’amour-propre dans mon affaire. Mais je puis t’assurer qu’il y a aussi beaucoup de philanthropie. Je me consacre à ce peuple quia de grandes qualités et de grands défauts ; et je m’efforce par mon éloquence et par mon autorité de liai faire tirer de ses qualités tout ce qu’elles contiennent. Je le veux fort, énergique, patient, persévérant, amoureux du beau, du grand et de l’éternel.

Par bien des points, tu. le vois donc, je me rapproche de toi. Seulement, ce peuple, tu ne l’aimes guère et tu es persuadé qu’il n’appartient qu’à toi et à quelques amis et disciples de ta très sage personne, de poursuivre, en je ne sais quelles rêveries, ce beau et ce bien qui nous sont chers à tous deux. Je voudrais, moi, être sans cesse en communication et communion avec l’âme même de ce peuple et sans cesse lui donner de braves et généreuses inspirations et sans cesse aussi, remarque bien cette parole, en recevoir de lui.