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POUR QU’ON LISE PLATON

sion par rapport à quoi ? Par rapport au désir que l’homme a de vivre bien. Mais n’y a-t-il pas autre chose devrai que ce désir ? Non ; il n’y a de vrai, humainement parlant, que ce désir.

On ne peut pas être plus strictement et comme violemment pratique que ce philosophe poète.

Et donc, il fait aux artistes la question ordinaire : A quoi servez-vous ? Ils répondent qu’ils servent à faire de la beauté. Il demande : A quoi sert-il de faire du beau ? Ils ne répondent point, tant, à eux, la question paraît étrange, et il triomphe de leur silence. C’est le sens des passages de l’Apologie qui sont relatifs aux poètes et aux artistes : « J’allai aux poètes, tant à ceux qui font des tragédies qu’à ceux qui font des dithyrambes et autres ouvrages… Là, prenant ceux de leurs ouvrages qui me paraissaient les plus travaillés, je leur demandai ce qu’ils voulaient dire et quel était leur dessein, comme pour m’instruire moi-même. J’ai honte, Athéniens, de vous dire la vérité ; mais il faut pourtant vous la dire : il n’y a pas un seul homme de ceux qui étaient là présents qui ne fût plus capable de parler et de rendre raison de leurs poèmes que ceux qui les avaient écrits. Je connus tout de suite que les poètes ne sont pas guidés par la sagesse ; mais par certains mouvements de la nature et par un enthousiasme semblable à celui des prophètes et