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POUR QU’ON LISE PLATON

dans ces idées raisonnent ainsi : La justice est une convention. C’est une convention par laquelle les hommes opprimés ont déclaré qu’il était mal que les forts s’attribuassent et pussent acquérir et conquérir en raison de leur force. En conséquence de cette déclaration, ils ont fait la loi et ont proclamé que ce qui était juste c’était ce qui est ordonné par la loi. Telle est toute l’origine et telle est toute l’essence de la justice. Ou elle a une essence mystique et une origine religieuse, ce qui serait difficile peut-être à prouver, ou elle n’est pas autre chose que ce que nous venons de dire. Elle est une convention et n’a pas d’autre autorité que celle d’une convention, d’un contrat, d’une manière de trêve de la force ou d’une manière de trêve entre des forces contraires. Il n’y a rien de respectable ni de sacré en une telle chose.

Si l’on veut encore, la justice est une cote mal taillée. Tout le monde convient en son for intérieur, et quand il n’est pas hypocrite, que c’est un bien de commettre l’injustice, c’est-à-dire d’agir selon toute sa force, et un mal de subir l’injustice, c’est-à-dire de se résigner selon sa faiblesse. Il n’est personne qui, intimement, ne soit convaincu de cela. Seulement il y a plus de mal à souffrir l’injustice qu’il n’y a de bien à la commettre. Ceci est possible et même vraisemblable. En conséquence, les