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POUR QU’ON LISE PLATON

vous dites que ce sont des forts, et je dis que ce sont des faibles et les plus faibles de tous, et c’est ce que je viens de prouver ; — et enfin il y a les hommes à passions vives et à volonté énergique, qui mettent tout cela au service du bien, qui luttent pendant toute leur vie et contre leurs ennemis du dedans, qui sont leurs passions mauvaises, et contre leurs ennemis du dehors, qui sont les hommes à passions mauvaises ; et voilà pour moi les seuls hommes forts.

Et quand vous me dites que seuls les hommes forts doivent commander dans la cité, je suis parfaitement de votre avis, mais avec ma manière de comprendre, et je trouve que vous avez raison au fond, mais en vous trompant sur la définition de la force. Pour moi, la force, c’est précisément l’idée de justice assez vive pour devenir la passion de la justice. C’est cela qui est la force d’un homme et la force d’un Etat. J’identifie la force et la justice, et à cette condition on me fera très bien dire que tous les droits et toutes les autorités doivent être à la force.

Si l’on préfère, et pour moi ce sera tout à fait la même chose, je vois séparément la force et la justice ; seulement j’estime que la force, tant qu’elle ne s’unit pas à la justice, n’est pas une force, et môme est une faiblesse et une impuissance ; et