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POUR QU’ON LISE PLATON

Comme Platon, Aristophane était à la fois enragé conservateur et un peu socialiste. Comme Platon, Aristophane rêvait une cité pacifiée, assainie, très forte et très belle, nettoyée de ses scories, et où les jeunes gens, moraux par amour du beau, eussent été, formule littéralement platonicienne, des « statues vivantes de la pudeur ». Aristophane est presque un Platon cynique. Platon n’est presque qu’un Aristophane plus pur et d’une plus grande force de pensée abstraite. Aristophane est comme le père des cyniques et Platon des stoïciens, et l’on sait que les cyniques ne sont que des stoïciens mal élevés. Que Platon ait pardonné à Aristophane ce que l’on sait et qui ne fut qu’une erreur et une confusion entre personnages qui ne laissaient pas de se ressembler entre eux à certains égards, cela se comprend assez aisément.

Seulement Aristophane, et j’en dirais à peu près autant de Rousseau, puisqu’aussi bien je l’ai dit et ne vois point que je me sois guère trompé, est tourné, en somme, tout entier vers le passé, connu ou supposé, et veut simplement qu’on rebrousse chemin. Aristophane et Rousseau, à quelques différences de degré près, voient l’idéal dans un passé qu’il faut retrouver : l’humanité ou la nation se sont trompées de voie, comme Hercule n’a pas fait au double chemin, et il faut remonter