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POUR QU’ON LISE PLATON

régénéré Athènes, et il a vraiment donné à l’humanité une vie nouvelle. Il n’a nullement même assaini Athènes, qui semblait être, au moment où il écrivait, incurablement gangrenée et que rien ne pouvait sauver. Elle était tombée ou elle tombait, pendant la vie même de Platon, de Périclès en Cléon, de Cléon en Hyperbolos, d’Hyperbolos en Pisandre, de Pisandre en Cléophon et de Cléophon en Cléonyme. Infectée de vénalité par en haut, de sottise par en bas, de vanité présomptueuse et aveugle à tous les échelons ; ne songeant plus à combattre par elle-même, achetant des mercenaires et les payant mal ; ne songeant qu’aux arts, au théâtre et au bavardage ; « théâtrocratie », comme dit spirituellement Platon et non plus même démocratie ; perdant même l’idée de patrie et se souciant peu d’être gouvernée par un étranger, ce qui arrive toujours quand on a commencé par se laisser mal gouverner par les siens ; Athènes penchait tellement vers sa ruine au moment où Platon mourut, qu’elle en était venue presque à l’espérer pour être délivrée de tout souci.

Elle disparut, comme il est juste et très sain pour l’humanité que disparaissent les groupes humains qui veulent mourir. Elle perdit même son génie littéraire et artistique, comme il arrive toujours aux peuples qui disparaissent comme