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POUR QU’ON LISE PLATON

Mais il faut tenir compte, comme j’essaye toujours de le faire, de l’exagération nécessaire que les grands maîtres croient, avec raison, devoir donner à leur système et à l’idée maîtresse de leur système. Ils se disent toujours qu’il y aura du déchet et que l’on en rabattra. Ils visent un peu plus haut que le but pour y toucher, et je ne crois pas que ce soit le fait de mauvais tireurs.

Il faut tenir compte aussi du public auquel s’adresse un philosophe, et certes les hommes à qui parlait Platon étaient si éloignés de toute idée morale qu’il n’était pas inutile de forcer la note. Platon a prêché la morale avec les allures du paradoxe, ce qu’on lui peut reprocher, et avec le ton et la verdeur du paradoxe, ce qui était bon, parce qu’il était commandé par les circonstances.

Tel qu’il est, sans parler du métaphysicien, du poète, du satiriste, de l’orateur, du narrateur et du dramatiste, il est le moraliste le plus convaincu, le plus chaleureux, le plus pénétrant, le plus imposant à la fois et le plus ingénieux, et il ne lui a manqué que d’être simple, que le monde ait jamais connu. Il sera en quelque sorte associé aux destinées de l’humanité. Sans peut-être qu’il soit lu personnellement si je puis ainsi dire, il sera écouté,