car ce sont précisément les poètes qui pervertissent la jeunesse, et le premier vice que nous trouvions reprocher à autrui c’est toujours le nôtre. Depuis Homère jusqu’à Mélitus, tous les poètes, à l’exception peut-être de Pindare, ont corrompu les hommes par leurs fables.
C’est Hésiode qui nous raconte les mauvais traitements qu’Uranus fit subir à Saturne, Saturne à Uranus et Saturne à Jupiter et Jupiter à Saturne. Le bel exemple à proposer aux enfants que des pères toujours armés contre leurs fils et des fils toujours combattant leurs pères ! — C’est Hésiode racontant la guerre des dieux les uns contre les autres. Le beau modèle à proposer à des citoyens, et comment veut-on après cela que les défenseurs de l’État aient en horreur les dissensions et les discordes civiles ?
Non, il ne faut pas, dans une république qui sera vertueuse ou qui ne sera point, qu’on entende dire que Junon a été mise aux fers par son fils, et Vulcain précipité du ciel par son père pour avoir voulu secourir sa mère pendant que Jupiter la frappait. Il ne faut point qu’on entende dire que les dieux parcourent le monde et s’en vont de ville en ville sous des formes étrangères, ce qui rend lâches et timides les enfants et même les hommes.