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cent leurs ravages dans la classe supérieure, qui n’est plus dirigeante, mais qui pourrait être édifiante, excitante, assainissante et qui commence à être tout le contraire. Le tort des Sophistes, qui sont gens d’esprit et de talent, est de n’avoir aucun idéal, de tout rapporter au succès et de n’enseigner rien autre chose que des moyens de succès.

Leurs élèves, par suite, sont tous des contrefaçons d’Alcibiade. C’est Critias, Thrasymaque, Galliclès, jeunes gens brillants, spirituels, séduisants et éloquents, mais qui ne songent à autre chose qu’à « arriver », qu’à dominer, sans se soucier des moyens et sans se demander dans quel but. Quand ils ont dit : « Il s’agit d’être les premiers dans la ville », ils ont dit tout ce qu’ils pensent et ils sont au bout de leur philosophie. Or ne vouloir qu’arriver au pouvoir par quelques moyens que ce soit et, parvenu là, ne savoir pas pour quoi faire, c’est une puérilité et une espèce de sauvagerie. C’est le contraire même d’une civilisation, même rudimentaire. Les Sophistes avec tout leur talent, tout leur savoir et toutes leurs prétentions, ne sont que des professeurs d’ambition cynique.

Ce peuple est encore perverti par ses poètes et artistes. Ce sont gens qui ont un certain sentiment du beau, mais qui croient fermement que cela suffit à l’humanité. Ils sont immoralistes sans cynisme.