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Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/108

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Voltaire

En général, c’est au merveilleux que Voltaire répugne absolument. Or il y a un merveilleux dans l’histoire, parce qu’il y a du merveilleux, de l’étrange, de l’extraordinaire dans l’âme humaine. Il y a dans l’histoire un merveilleux d’imagination exaltée, un merveilleux de passions excitées, un merveilleux d’héroïsme, un merveilleux de sainteté et de sacrifice, un merveilleux de fanatisme, un merveilleux de stupidité. L’homme est dans « l’entre-deux ; » il est aussi dans les extrêmes ; or ce sont les extrêmes que Voltaire ne veut pas voir ; et pour comprendre toute l’histoire, son bon sens, qui si souvent le sert bien, lui nuit quelquefois.

Quant à des lois générales gouvernant les événements principaux de l’histoire humaine, Voltaire n’en veut pas voir et n’en voit point. En cela il a peut-être raison, et, tout au moins, il est très logique. Quand on n’admet point l’action de la Providence sur le monde, il est assez difficile, quoi que quelques-uns en aient cru, de trouver des lois qui le régissent. Trouver des lois dans l’histoire, c’est y voir des desseins, des plans, un but poursuivi, toutes choses qui supposent un esprit. Un esprit pensant l’histoire avant qu’elle commence pour lui donner sa loi de direction, c’est un Dieu agissant sur les hommes. Nous sommes encore en pleine conception théologique.

Cela est si vrai que Vico, apportant au monde sa « science nouvelle » (la philosophie de l’histoire), déclarait que son objet était de chercher à démêler les desseins de Dieu sur le monde, c’est-à-dire déclarait qu’il recommençait Bossuet.

Voltaire, ayant une pensée de derrière la tête toute contraire, devait se garder de chercher dans l’histoire une ou des lois générales, et en effet il s’en est gardé. Il a même un penchant à mettre en lumière, précisément le contraire du système qui fait dépendre l’histoire de