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Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/110

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Voltaire

grandes connaissances et enflammé de passions, et il n’a voulu mettre dans ses études d’historien que du bon sens.

Il est certain qu’une histoire universelle ainsi conçue manque d’unité, de plan, d’ensemble ; mais si Voltaire n’en met point dans l’histoire, c’est qu’il n’y en voit point, et j’ai montré pourquoi il ne pouvait pas en voir.

Il a pourtant, sinon un plan, du moins une idée générale sur la suite du développement de l’humanité. Il croit, à peu près, à une période relativement sage et heureuse, — puis à une régression, — puis à une nouvelle ère de sagesse et de prospérité, relatives encore.

La période heureuse, c’est l’antiquité ; le retour à la barbarie primitive, c’est l’époque chrétienne ; la renaissance de la raison et l’acheminement vers le bonheur, ce sont les temps modernes.

L’humanité, sortie des tâtonnements des temps primitifs, a créé l’ordre dans son sein. La période que nous appelons l’antiquité commence. Des nations s’y organisent qui ne laissent pas d’être heureuses. Elles ont des lois sages ; elles cultivent les lettres et les arts ; la religion n’y gouverne point ; elle est soumise au pouvoir civil ; tout pays où la religion est soumise au pouvoir civil est relativement heureux ; de toutes ces nations les Romains font un seul peuple, et c’est une grande et belle époque de l’histoire de l’humanité.

Mais le christianisme naît. Il crée la dualité des pouvoirs : pouvoir spirituel, pouvoir temporel. De là naissent des conflits incessants, des guerres terribles. Le malheur s’abat sur le monde.

La Renaissance survient. C’est l’antiquité qui renaît. Elle fait reculer le christianisme. Elle diminue, exténue, finira par détruire le pouvoir spirituel. Les nations