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Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/131

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le sociologue

obstacles, chers à Montesquieu, qui sont destinés à borner le pouvoir central et à prévenir les périls de son omnipotence. Il n’aime pas les parlements. Il a dit du bien, il faut le noter, du gouvernement anglais, mais il n’a jamais semblé souhaiter que la royauté constitutionnelle, limitée et contrôlée par des chambres ou populaires ou aristocratiques, s’établît chez nous. Il n’aime pas, inutile de le dire, le « pouvoir spirituel » qui est la limite la plus ferme et la plus forte qu’on puisse opposer à l’omnipotence du pouvoir central. Bref, il est absolutiste, en souhaitant que e pouvoir absolu ait de la sagesse et de l’esprit.

Mais il a donné à l’absolutisme de très bons conseils, et c’est là sa sociologie.

Elle n’est pas mauvaise, quoique elle ne soit pas ambitieuse, et c’est précisément parce qu’elle n’est pas ambitieuse, qu’elle est fort bonne. Il regarde l’état de la France à son époque et y voit un certain nombre de choses à réformer, et faciles à réformer. C’est à cela qu’il s’attache exclusivement, laissant à d’autres les grandes réédifications. — Par exemple il remarque que la France est divisée en une foule d’états différents au point de vue de la répartition des charges. Il y a des Douanes intérieures. On paye pour faire passer une marchandise de Bourgogne en Champagne comme pour la faire passer d’Allemagne en France. Nulle entrave plus grave ni plus absurde pour le commerce, nulle mesure plus destructrice, aussi, de l’idée de patrie. C’est s’opposer à l’unité morale de la France et retarder le moment où elle sera accomplie. Voilà une réforme à faire, et elle est facile à réaliser.

Autre cause de désunion, autre obstacle à l’unité : la multiplicité des coutumes, c’est-à-dire des lois. La France est une nation, elle n’a qu’un gouvernement, et elle a