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Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/153

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le critique

Non, ma Muse m’appelle à de plus hauts emplois ;
À chanter la vertu j’ai consacré ma voix.
Vainqueur des préjugés que l’imbécile encense,
J’ose aux persécuteurs prêcher la tolérance.
Je dis au riche avare : « Assiste l’indigent ; »

Au ministre des lois : « Protège l’innocent ! »
 
Pour Sirven opprimé je demande justice ;

Je l’obtiendrai sans doute ; et cette même main,
Qui ranima la veuve et vengea l’orphelin,
Soutiendra jusqu’au bout la famille éplorée
Qu’un vil juge a proscrite et non déshonorée.
Ainsi je fais trembler, dans mes derniers moments,
Et les pédants jaloux et les petits tyrans.
J’ose agir sans rien craindre, ainsi que j’ose écrire.

Je fais le bien que j’aime, et voilà ma satire.
 

Vienne la mort à présent : elle sera bien accueillie. Elle sera un passage à aller rejoindre d’excellentes gens qui furent des gens d’esprit, et avec lesquels on doit avoir plaisir à converser :

Nous nous verrons, Boileau ; tu me présenteras
Chapelain, Scudéry, Perrin, Pradoa, Coras.
Je pourrais l’amener, enchaînés sur mes traces,
Mes Zoïles honteux, successeurs des Garasses.
Minos entre eux et moi va bientôt prononcer :
Des serpents d’Alecton nous les verrons fesser ;
Mais je veux avec toi baiser dans l’Élysée
La main qui nous peignit l’épouse de Thésée.
J’embrasserai Quinault, en dusses-tu crever ;
Et si ton goût sévère a pu désapprouver
Du brillant Torquato le séduisant ouvrage.
Entre Homère et Virgile il aura mon hommage.
Tandis que j’ai vécu. Ton m’a vu hautement
Aux badauds effarés dire mon sentiment.
Je veux le dire encor dans ces royaumes sombres ;
S’ils ont des préjugés, fen guérirai les ombres !