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Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/228

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Voltaire

« En passant tout d’un coup par-dessus les compliments et les remerciements que je vous dois, Monsieur, je commence par vous avouer que despotique et monarchique sont tout juste la même chose dans le cœur de tous les êtres sensibles. Despote signifie maître et monarque signifie seul maître ce qui est bien plus fort. Une mouche est monarque des animalcules imperceptibles qu’elle dévore, l’araignée est monarque des mouches, l’hirondelle des araignées, les pies-grièches mangent les hirondelles : cela ne finit point.

Vous ne disconviendrez point que les fermiers généraux ne nous mangent ; vous savez que le monde est ainsi fait depuis qu’il existe.

Cela n’empêche pas que vous n’ayez très lumineusement raison contre l’abbé Mably. Vous prouvez très bien que le gouvernement monarchique est le meilleur de tous ; mais c’est à la condition que Marc-Aurèle soit le monarque ; car d’ailleurs qu’importe à un pauvre homme d’être dévoré par un lion ou par cent rats ?

Vous paraissez, Monsieur, être de l’avis de l’Esprit des lois, en accordant que le principe des monarchies est l’honneur et le principe des républiques la vertu. Si vous n’étiez pas de cette opinion, je serais de celle de M. le duc d’Orléans, régent, qui disait d’un de nos grands seigneurs : « C’est l’homme le plus parfait de la cour : il n’a ni humeur ni honneur ; » et je dirais au président de Montesquieu que, s’il veut prouver sa thèse en disant que dans un royaume on recherche les honneurs, on les recherche encore plus dans une République. On courait à Rome après les honneurs de l’ovation, du triomphe et de toutes les dignités. On veut même être doge à Venise, quoique ce soit vanitas vanitatum

Enfin votre livre m’instruit et me console. Jugez si je le lis avec délices. »

Ailleurs ce sont des questions littéraires de toutes sortes : utilité du théâtre, lectures à faire pour orner le goût, grammaire et grammairiens, sentences et maximes au théâtre, vers, prose, monologues dans les tragédies, réforme de l’orthographe, langue française comparée à l’italienne, projets d’enrichir la langue, liberté