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Non seulement ils ne sentent pas la réalité, mais ils révèlent l’horreur qu’a leur auteur à l’égard de la vérité. Cela se voit à l’absence de nuances et à l’absence de complexité. La vérité humaine n’est que dans les nuances subordonnées à une couleur générale et dans la complexité subordonnée à une tendance maîtresse qui fait l’unité du personnage. Julien Sorel est avant tout un ambitieux ; mais il est aussi un amoureux, un rêveur, un poète, un ami et même un petit-maître. Dans les personnages de Balzac, déjà un peu trop ; dans ceux de Zola, extraordinairement et misérablement, l’être humain est réduit à une seule passion et cette passion à une manie et cette manie à un tic. Et le tic est un geste énorme, parce que l’auteur a une imagination grossissante en même temps qu’elle est pauvre et peu nourrie ; mais ce n’est qu’un tic. Édouard Ruel disait bien finement : « Mérimée dessine les hommes comme des marionnettes ; moins pour nous faire croire que ces marionnettes sont des hommes, que pour nous faire sentir que les hommes sont des marionnettes. » Les marionnettes de Zola sont des marionnettes colossales, mais comme marionnettes, elles ne sont pas des hommes et comme colossales, elles le sont encore moins.