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V

LA NUIT DE VENTÔSE


 
« Poète, prends ton luth… arraches-en les cordes
Et tords-les ! et fais-en un fouet bien cinglant,
Et frappe ! et frappe ! et frappe ! et sans miséricorde,
Sur ce troupeau hurlant, bêlant, bramant, beuglant !

Frappe, mais jusqu’au sang, doux Poète !… j’accorde
À l’office quelque chose de répugnant…
Il le faut : raidis-toi, anéantis la horde
Et transforme-la toute en un fumier sanglant

D’où tu feras lever tes fleurs de Poésie ;
Il existe sur terre une race choisie,
C’est toi, Poète, pure émanation de Dieu ;

Le reste, remuement puant tient le milieu
Entre l’homme et la brute et grouille dans sa fange,
Et si tu ne l’extermines pas, il te mange ! »

28 février 1898.