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IXION

Et que m’importe après que déferlent les mondes,
Surgissant, passant, disparaissant dans la nuit,
J’en ai tant vu ! Je les sais tous ! qu’ils vagabondent,
Rivé sur l’échafaud qui se dérobe et fuit,

Je sais par cœur tous les cataclysmes possibles,
Apothéoses et désastres, j’ai tout vu,
Nomenclature de tous les gestes plausibles,
Rien ne m’est ignoré que le mot imprévu ;

Les comètes ont fait grésiller ma chair vive
Sous leur chevelure de braise et ses baisers,
Des torrents d’astres morts poussés à la dérive
Se sont sur mes os pétrifiés écrasés,

Qu’importe ! est-ce d’avoir reflété tant d’étoiles
Que mes yeux ne voient plus, ou d’avoir tant pleuré ?
Feux d’amour et d’enfer ont calciné mes moelles
Et j’exècre du jour le fantôme adoré !

Je suis ivre de souffrance, ivre de souffrance,
Ma langue est morte, morts sont mes yeux, mort mon cœur,
Je cours, mort de partout, mort à toute espérance,
Au gouffre m’enfouir du grand dégoût vainqueur ;