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IXION

ter sa situation dans un ensemble en vue de quoi il fut écrit, ne fût-ce que pour rendre raison des obscurités possibles.

Chaque homme, chaque essaim d’hommes dans la toute jeunesse ne perçoivent guère d’existence distincte de la vie universelle : telle une cellule plasmique ils végètent, ou tel un des membres pris à part d’une foule de peuple amassée. La conscience d’une nature extérieure à eux consomme le premier détachement : ils l’invoquent, l’interpellent en frères puînés, et puis s’en insoucient, puis l’abjurent, puis pleurent le fatal divorce, et puis déchus enfin de cette vigueur dernière, décrépits, dans l’amertume affreuse des souvenirs remâchés ils expirent, pour se recommencer sous quelque autre apparence. Ainsi les sociétés par degrés passent de la mêlée primordiale à l’exaspération de l’individu, de l’élan religieux, spontané, presque animal et chantant, à la dispute philosophique ou scolastique: à l’esprit d’examen. Ainsi individus comme agglomérations d’individus, tous, à toute époque et chaque journée, adolescents au matin, agonisent avec le crépuscule ; et de l’aube d’une année à son soir, heure par heure puis saison à saison, refaisons pour nous-mêmes la route que parcourt et reparcourt dans ses journées de mille ans l’humanité, et réglés elle et nous sur la route que le soleil avec tout l’univers inlassablement cheminent.

Et ainsi du cantique universellement pareil à la chanson que suscite un ciel particulier, au duo d’amour,