Page:Fagus - Testament de sa vie première, 1898.djvu/13

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L’auteur de cet intéressant florilège est mort ; c’était un bon garçon, très adolescent d’âge et plus adolescent de caractère, comme vous verrez ; des liaisons funestes l’amenèrent à se consacrer aux besognes d’art, et une logique trop juvénilement rigoureuse l’obligea de conformer sa vie à l’Esthétique ; de sorte qu’il sombra dans le pire Anarchisme, comme vous verrez aussi (Barrès n’avait pas découvert encore l’antinomie de la pensée avec l’action). Compromis, il obtint cependant son pardon en échange de son repentir et de la dénonciation de quelques camarades, et sous la stipulation de ne se plus commettre avec la littérature, inconciliable, en effet, avec une conversion sincère à une société égalitaire et démocratique, assise sur le suffrage universel. Il se fit, en conséquence, incorporer dans un journal patriote, et, aussitôt la condamnation d’Émile Zola, sans forfanterie comme sans faiblesse, il est allé chaque matin dans sa boîte aux lettres insérer une lettre d’injures anonymes, nous proposant ainsi le consolant exemple :

d’ « Un poète mort jeune à qui l’homme survit ».

Juin 1893.