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têres, qu’ils jetaient en l’air, à l’instant où ils s’élançaient, pour donner à leur corps plus d’élasticité. La lice, d’où l’on sautait, s’appelait batêr ; le but, ta eskammena, de sxaptô, creuser, parce qu’on le désignait en creusant la terre ; de là le proverbe pêdan uper ta eskammena, sauter au-delà du but, appliqué aux extravagans.

Les Grecs donnaient le nom de pentathle à l’assemblage des cinq sortes d’exercices agonistiques mentionnés dans ce vers :

Alma, podôkeiên, diskon, akonta, palên.

Le saut, la course, le disque, le pugilat et la lutte. On croit que cette sorte de combat se décidait en un seul jour et quelquefois même en une seule matinée. Pour en mériter le prix, qui était unique, il fallait être vainqueur à tous ces divers exercices.

Avant la fin du cinquième jour on se rendait en foule au stade pour assister à la proclamation des vainqueurs, qui n’était qu’une répétition générale de ce que l’on avait fait à la suite de chaque combat. En un instant les gradins du cirque, la colline Cronium, le bois sacré de l’Altis et toutes les avenues du stade étaient inondés des flots de la multitude, qui se pressait au milieu de l’allégresse universelle et publique. Les couronnes étaient placées dans le stade sur des trépieds d’airain, et les palmes dans des urnes. Alors le son de la trompette se faisait entendre ; aussitôt le silence régnait parmi les spectateurs, et l’un des présidens (ellênodikai) proclamait à haute voix les noms des vainqueurs, tandis qu’un autre leur mettait la couronne sur la tête et dans la main droite la palme de la victoire. À cette vue, des acclamations s’élevaient de toutes parts, des cris mille fois répétés frappaient les airs et faisaient retentir au loin les vallons du Cronium et les rives de l’Alphée ; alors un héraut, précédé d’une trompette, conduisait tout autour du stade l’athlète revêtu d’un manteau magnifique, et répétait à la multitude son nom et celui de sa patrie ; partout on lui jetait des fleurs ; partout, sur son passage, les acclamations redoublaient ; partout on lui témoignait avec transports la part qu’on prenait à sa victoire, et le plaisir qu’avait causé le spectacle de son combat. Comme il pouvait remporter plus d’une victoire, il recevait aussi plus d’une couronne et plus d’une palme.

Avant que les vainqueurs quittassent la carrière, un des présidens inscrivait sur le registre public leur nom, celui de leur pays et l’espèce de combat dans lequel chacun avait remporté la victoire ; enfin l’on proclamait solennellement le vainqueur à la course des chars, et son nom était donné à l’olympiade.

Voilà donc quelle était dans le principe la récompense de tant de travaux, une couronne d’olivier sauvage, une simple branche de palmier ! Et c’était pour l’obtenir que les Grecs supportaient tant de fatigues, s’imposaient tant de privations ! La politique de ce peuple voulut faire entendre par là que l’honneur devait en être le seul but, et non point un vil intérêt ; il voulut accoutumer ses enfans à ne chercher pour récompense de la vertu que la vertu même. Eh ! de quoi en effet n’auraient pas été capables des hommes qui se seraient habitués à n’agir que par ce principe ? C’est aussi ce qui causa l’étonnement de Tigrane, l’un des principaux chefs de l’armée de Xercès, lorsque, entendant raconter ce qui faisait le prix de ces jeux, il s’écria, en s’adressant à Mardonius, général de l’armée persane : « Ciel ! avec quels hommes nous allez-vous mettre aux mains ! Insensibles à l’intérêt, ils ne combattent que pour la gloire ! » Exclamation pleine de sens et de sagesse, qui fut regardée par l’orgueilleux Xercès comme l’effet d’une honteuse lâcheté.

Longtemps les Grecs bornèrent toute leur ambition à de simples couronnes ; et ce désintéressement leur fut d’autant plus honorable qu’il était un témoignage authentique du cas qu’ils faisaient de la pauvreté, à laquelle ils ne craignaient pas d’associer les dieux qui présidaient à ces combats. C’est ce qui a fait dire à Aristophane, dans Plutus :

O Zeus dêpou penetai : kai tout’êdê phanerôs sedidaxo.
Ei gar eploutei, pôs poiôn autos ton Olumpiakon agôna.
Ina tous Ellênas apantas aei di’etous pemptou xunageirei,
Anekerutten tôn athlêtôn tous nikôntas, stephanôsas
Kotinou stephanô ? Kaitoi chrusô mallon echrên, eiper eploutei.

Mais dans la suite les princes et les personnages opulens, qui ne dédaignaient pas de se mesurer dans la carrière, introduisirent des changemens et firent peu à peu disparaître cette antique et admirable simplicité. D’abord,