Page:Falconnet - Petits poèmes grecs, Desrez, 1838.djvu/211

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Écoutons maintenant l’antique tradition des peuples. Quand les dieux se partagèrent l’univers, Rhodes n’apparaissait point encore au milieu des flots ; elle était cachée dans les profonds abîmes de la mer. Le Soleil fut exclu du partage, il était absent. Ainsi aucune région ne lui fut spécialement consacrée.

Le dieu du jour le rappelle à Jupiter, qui consent à diviser de nouveau le monde ; mais Apollon s’y oppose : « Je vois, dit-il, sortir du sein des ondes écumantes une île féconde en moissons et en excellens pâturages. »

Il ordonne aussitôt à Lachésis, dont le front est ceint d’une chaîne d’or, de lever la main et de jurer avec le fils de Saturne, par le serment redoutable des dieux (17), que cette terre qui vient d’apparaître à la lumière sera désormais son apanage.

Cet inflexible arrêt fut exécuté selon ses désirs ; et du milieu des flots surgit à l’instant cette île renommée. Depuis lors, elle appartint au dieu qui lance les rayons perçans du jour et dont les coursiers soufflent au loin (18) la flamme.

Uni à la nymphe Rhodes, le divin Apollon donna la vie à sept fils, sages législateurs des premiers habitans de cette île. L’un d’eux engendra d’abord Jalysus, ensuite Camire et Lindus. Ainsi le territoire divisé en trois parties forma trois villes qui prirent, dans la suite des âges, le nom de leurs fondateurs.

C’est là que le chef des Tirynthiens (19), Tlépolème, trouva un adoucissement à ses malheurs ; là on lui (20) offrit, comme à un dieu, de pompeux sacrifices et l’on célébra des jeux en son honneur.

Deux fois Diagoras y a triomphé ; trois fois l’Isthme le vit vainqueur, et la forêt de Némée, et la puissante (21) Athènes l’ont aussi vu voler de triomphe en triomphe.

Le bouclier (22) d’airain, récompense que donne Argos ; les magnifiques ouvrages de l’art que décernent (23) l’Arcadie et Thèbes, les combats fameux de la Béotie attestent sa valeur.

Six fois (24) Égine et Pellène ont proclamé sa victoire, et jamais le nom d’un athlète n’orna si souvent la colonne (25) sur laquelle Mégare inscrit le nom des vainqueurs.

Grand Jupiter qui règnes sur les sommets de (26) l’Atabyre, daigne accueillir mes chants et jeter un regard propice sur ce héros dont Olympie vient de couronner les mâles vertus.

Que sa gloire éclate et dans sa patrie et dans tout l’univers, puisqu’il suit les traces de ses héroïques ancêtres et qu’il marche d’un pas ferme dans les sentiers de la justice.

Dieu puissant, ne permets pas que la race de Callianacte se perde avec sa gloire dans l’obscurité. Ta patrie, ô Diagoras, célèbre aujourd’hui par ses pompes, la prospérité présente des Ératides ; mais hélas ! le souffle inconstant de la fortune ne peut-il pas nous rendre en un instant le jouet de ses caprices ?

VIII.

AU JEUNE ALCIMÉDON (1),

Vainqueur à la lutte (2).

Ô tendre mère ! qui te plais à orner de brillantes couronnes le front de tes athlètes, Olympie, prête l’oreille à mes accens !

Sanctuaire (3) de la vérité, c’est dans ton enceinte que d’augustes sacrificateurs demandent aux entrailles fumantes (4) des victimes les volontés du maître du tonnerre, sur ces hommes que de pénibles travaux conduisent aux vertus les plus sublimes et au repos, digne récompense de leurs succès ; et Jupiter, sensible à leur piété et à leurs prières, leur manifeste ses décrets.

Et toi, verdoyant Altis, dont l’épais ombrage embellit le cours de l’Alphée, reçois cet (5) hymne et ces couronnes. Quelle gloire n’est pas réservée au mortel assez heureux pour obtenir une de tes palmes ! Mais les mêmes biens ne sont pas réservés à tous les hommes, et les dieux dans leur bonté ont ouvert mille chemins pour aller au bonheur.

C’est ainsi, ô Timosthènes ! que la fortune a attiré sur ton frère et sur toi les bienfaits de Jupiter, souche de ta race, en te faisant remporter la victoire à Némée et en donnant à Alcimédon la palme d’Olympie, au pied de la colline de Saturne. Qu’il faisait beau le voir ! et combien sa valeur prêtait de charmes aux grâces de son visage ! Vainqueur à la lutte, il a