Page:Falconnet - Petits poèmes grecs, Desrez, 1838.djvu/248

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les combats. Vois ces boucliers d’airain, ce peuple qui se presse en foule aux hécatombes de Junon et qui brûle d’entendre proclamer le vainqueur ; tout ce brillant appareil l’engage à chanter la double victoire que Thiéus, le fils d’Ulius, a remportée et dans laquelle ce robuste athlète trouve l’oubli de ses pénibles mais glorieux travaux.

Combien n’est-il pas digne d’être chanté par les Muses, ce héros que la fortune a si souvent couronné à Delphes, à l’Isthme, à Némée, devant l’auguste assemblée de la Grèce ! Trois fois le rivage de l’Isthme que les flots ne franchiront jamais, trois fois la terre sacrée soumise autrefois aux lois d’Adraste l’ont vu conquérir la palme de la victoire. Et maintenant, ô Jupiter ! le vœu que forme encore son cœur, sa bouche n’ose l’exprimer ; mais de la volonté seule dépend le succès de toute entreprise ; et la gloire qu’il te demande comme un bienfait, ce n’est qu’au prix de ses sueurs et de son courage qu’il veut la mériter et l’obtenir. Mes paroles ne sont point une énigme pour toi, dieu puissant, ni pour l’athlète qui aspire au prix des plus nobles combats de la Grèce, qu’Hercule institua dans l’illustre carrière de Pise. Deux fois, à deux époques de leurs fêtes solennelles, les jeunes Athéniens accompagnèrent de leurs danses et de leurs chants d’allégresse le triomphe de Thiéus ; et la cité de Junon, si féconde en héros, l’a vu apporter avec lui le doux fruit de l’olivier dans des vases durcis au feu et peints des plus brillantes couleurs.

Ainsi, ô Thiéus ! tu te montres le digne émule de la gloire que dans tant de combats acquirent tes ancêtres maternels, avec l’aide des Grâces et des fils de Tyndare. Ah ! s’il m’était donné comme à toi d’être le descendant d’un Thrasyclès, d’un Antias, avec quel orgueil me verrait-on promener mes regards dans Argos !

Combien d’autres couronnes ont illustré la cité de Prœstus, nourrice d’agiles coursiers ! Quatre fois Némée, quatre fois le rivage corinthien ont entendu proclamer son nom. Que de riches coupes, que de vases d’argent ses athlètes rapportèrent-ils de Sicyone dans leur patrie ! Combien de fois le tissu moelleux que Pellène donne au vainqueur flotta-t-il sur leurs épaules ! qui aurait assez de loisir pour compter tous les ornemens d’airain que leur distribuèrent à l’envi et Clitor et Tégée, et les villes de l’Argolide et le Lycée, où la victoire couronna la force de leurs bras et la légèreté de leurs pieds, dans la carrière consacrée à Jupiter !

Faut-il s’étonner que la nature ait fait naître tant d’intrépides athlètes dans l’antique famille d’Ulius, depuis que Pamphas, un de ses ancêtres, eut reçu dans sa demeure hospitalière Castor et son frère Pollux, héros tutélaires de Sparte, qui de concert avec Mercure et Hercule sont chargés du soin de ces jeux florissans où leur bienveillance protège les hommes justes. Ces deux enfans des dieux tour à tour passent un jour auprès de Jupiter, leur père chéri, et l’autre au sein de la terre, dans la vallée de Thérapnée. Ainsi s’accomplit le vœu de Pollux, qui préféra volontiers ce partage alternatif à une immortalité sans bornes dont il eût seul joui dans le ciel, à jamais séparé de son frère immolé par la lance d’Idas.

Castor venait de lui enlever ses génisses. Assis sur le tronc d’un chêne, Lyncée, celui de tous les mortels qui avait l’œil le plus perçant, l’aperçoit du sommet du Taygète, sur-le-champ il appelle Idas, son frère, et ces deux fiers enfans d’Apharée, animés par la vengeance fondent sur le fils de Léda et le tuent. Mais Jupiter va leur faire éprouver le poids de son courroux. Pollux accourt et les met en fuite : ils s’arrêtent cependant près du tombeau de leur père. Là, saisissant une statue de Pluton, faite de marbre poli, ils la lancent contre la poitrine de Pollux. Loin de reculer, le héros n’est pas même ébranlé d’un tel choc ; alors saisissant promptement un javelot, il fond sur Lyncée, et le lui enfonce dans le flanc. Au même instant Jupiter lance sur Idas sa foudre vengeresse, et dans un tourbillon de flamme et de fumée consume les restes mortels des deux frères : tant il est téméraire de mesurer ses forces avec un plus puissant que soi ! Cependant le généreux fils de Tyndare accourt auprès de Castor ; il le trouve respirant à peine, et près d’exhaler le dernier souffle de sa poitrine glacée. Il l’arrose de ses larmes et, dans l’excès de sa douleur, il s’écrie : « Fils de Saturne, ô mon père ! quel sera le terme de mon malheur ? fais-moi mourir avec mon frère ; quel charme peut avoir la vie pour celui qui a perdu ce qu’il a de plus cher ! » (Dévouement admirable ! Combien peu de mortels consentiraient ainsi à partager les maux de l’amitié malheureuse !)

Ainsi Pollux exhalait ses regrets amers. Soudain Jupiter se présente à lui : « Tu es mon