Page:Falconnet - Petits poèmes grecs, Desrez, 1838.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je le conduisis au sommet de la montagne, en me faisant accompagner d’un chœur joyeux de mes amis. Les deux chiens qui avaient étranglé le dragon me suivirent de leur plein gré : une douce aménité régnait autour de l’autel des Dieux ; le champ était verdoyant, les herbes molles, l’ombre épaisse sous les ormes, et à côté une onde jaillissant éternellement des entrailles les plus profondes du roc rendait un doux son, pareil à des accens mélodieux. Viens avec moi ; il n’est pas permis de refuser un festin offert aux Dieux.»

Je lui parlai ainsi. L’homme divin me répondit en ces termes :

« Que Phébus te soit toujours favorable et te préserve de tout mal et qu’il envoie d’abondantes richesses dans ta maison, puisque tu montes au sommet de la montagne pour accomplir un sacrifice aux dieux ; je ferai en sorte qu’ils t’êcoutent d’une oreille favorable..... »

I.

LE CRISTAL.

Prenez dans vos mains le cristal brillant et flamboyant, rayon de la divine lumière, le cœur des dieux immortels en est réjoui dans l’immense éther ; si vous approchez du temple en le tenant dans vos mains, aucun dieu ne repoussera vos vœux. Ecoutez-donc afin d’apprendre les vertus de cette pierre brillante : si vous voulez allumer une flamme sans avoir besoin d’un premier tison enflammé, déposez-le sur des morceaux de bois arides. Aussitôt le soleil dardant sur sa face opposée il laissera échapper un petit rayon ; dès qu’il aura atteint la matière sèche qui doit lui servir d’aliment, il en sortira d’abord de la fumée, puis un feu léger, puis une grande flamme. Les anciens appellent cela le feu sacré, et moi je crois qu’aucune flamme ne peut allumer les sacrifices avec plus de joie pour les immortels. J’ajoute encore cette qualité merveilleuse du cristal : quoique auteur de cette flamme qui ainsi aura subitement jailli de ce feu, il sera de suite refroidi et pourra être touché impunément, et, appliqué sur les reins, il en guérira les douleurs.

II.

LA GALACTITE.

Je t’offre une autre pierre également favorable à ceux qui adressent leurs prières aux dieux ; elle est pleine d’un lait divin comme la gorge d’une jeune fille qui a conçu pour la première fois ou comme la mamelle d’une vache féconde. Les anciens l’ont appelée diamant royal parce qu’il fléchit l’esprit des dieux, de telle sorte qu’honorés par des sacrifices ils veulent bien avoir pitié des mortels. Ils l’ont aussi appelé Léthée parce que toujours elle a fait oublier aux mortels et aux immortels les maux qu’ils ont soufferts, parce qu’elle adoucit l’esprit et qu’elle fait concevoir des pensées agréables. D’autres ont pensé qu’il valait mieux appeler cette pierre Galactite, parce que, si on la brise, il coule de l’intérieur une moelle blanche parfaitement semblable à du lait. Si vous voulez en faire l’expérience cela vous sera facile.

Quand tu verras les mamelles de tes brebis diminuées et pendantes, que feras-tu, cher enfant ? Quand tes boucs, pour lesquels tu as souvent adressé des prières afin qu’ils échappassent aux bêtes féroces, seront devant toi tristes et abattus, et que maigris ils pousseront dans l’étable un long gémissement, alors fais laver les mères qui sont malades dans les gouffres des noires fontaines ; puis tu les purgeras les unes après les autres, et, mêlant de la poudre de galactite avec de la saumure, tu passeras à travers tout le troupeau de chèvres, et tu verseras de ce mélange sur le dos touffu et fertile de chacune d’elles. Aussitôt elles deviendront toutes plus fortes et plus soyeuses et donneront un lait abondant à leurs jeunes nourrissons. Ceux-ci, rassasiés à ces fécondes mamelles, sauteront de bonheur sous les ventres de leurs mères. Offre aussi à la jeune mère une douce boisson où sera mêlée de la galactite, afin qu’elle reporte à son berceau son jeune enfant nourri des trésors de son sein. Si la nourrice pend une de ces pierres au cou de son jeune élève, elle éloignera d’elle la terrible Mégère. Les rois vénérables et les nombreuses nations vous honoreront de même si vous portez cette pierre dans votre main ; et les dieux t’accordant tout ce qui est dans tes désirs exauceront tes vœux.

III.

LA PETRACE.

Ceux qui ont une pétrace verdoyante peuvent en toute confiance s’approcher des autels et accomplir le sacrifice aux immortels.