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Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/590

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cider : elle aimait mieux, disait-elle, la mort que d’endurer plus longtemps de telles souillures. Elle eût fui au bout du monde pour y échapper ; toujours prête à partir, elle portait sur elle des sommes assez fortes qui ont été trouvées cousues dans des galons attachés autour du corps.

Des pages sans nombre, qui toutes sont sorties d’ici, ont été écrites par elle. Une d’elles contenait un testament pour la fille d’un aliéniste, dont la veuve quelque temps après, me dénonçait au Président du tribunal pour séquestration illégale, en ces termes :

« Monsieur, ces quelques mots dictés par le cœur, par la conscience surtout, ce n’est pas à l’ami que je les adresse, mais à l’éminent magistrat dont l’humanité, l’équité me sont bien connues, et qui saura faire la lumière.

« Appelées à X…, ma fille et moi, par nos affections et nos intérêts, nous apprenons avec une profonde surprise, une vive douleur, l’incarcération dans l’hôpital des aliénés de X…, de deux sœurs, Madame et Mademoiselle X…

« Quelques épanchements échappés à ces infortunées au milieu des plus grandes souffrances morales laissent bien des doutes ! Une odieuse et cupide haine peut facilement s’exercer contre des femmes privées de tout soutien ? Plus de vingt ans passés en contact avec les aliénés, et leurs familles surtout nous ont dévoilé bien d’horribles mystères, etc. »

Cet état a duré avec des alternatives de calme et d’agitation, du 20 février au mois de mai. Il serait fastidieux de répéter ici toutes les idées qui ont traversé ce pauvre cerveau.

Des bains prolongés, quelques irrigations, des antispasmodiques ont triomphé de ces accidents.

En mai, en effet, le calme est revenu, et Mademoiselle X…, sans renoncer à ses idées erronées, me dit : « Eh bien ! lorsque je sentirai qu’on me viole, je me lèverai si je puis me réveiller à temps, et remuerai tant que cela ne pourra pas entrer. »

Depuis cette époque l’amélioration a continué, quelques promenades en voiture ont pu être entreprises, la confiance est revenue, et mademoiselle X… a été mise en liberté le 28 juin 1856.

Je n’en avais plus entendu parler, lorsque le 24 mai 1858, je reçus une lettre d’un avocat qui, prétendant qu’elle n’avait jamais