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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/109

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On passa au salon. Il arriva que maître Gorguet eut à montrer des papiers d’affaires à ses deux amis, qui le suivirent au premier étage. Mme Lorimier restait seule avec moi, une bonne ayant emmené l’enfant. Je lui pris la main, que je baisai sans qu’elle me la disputât. Mes lèvres allèrent aux siennes, et la pression de sa bouche répondit. « Venez à la briqueterie demain », chuchota-t-elle. Maître Gorguet et ses amis redescendaient. Je pris congé, mon chien, joyeux, bondissant sur la route. Je touchais au bonheur !

Le lendemain, je sortis à trois heures, et une demi-heure après j’étais devant le pavillon et j’en poussais la grille. Avec quelle nervosité ! Rangée dans la cour, la calèche annonçait la présence auguste. Mme Lorimier parut à la porte du perron et j’entrai. Aussitôt elle me fit un collier de ses bras et les miens l’enserrèrent. Mais je pensais : « Mme Lorimier n’est pas une Agathe Lureau, ni une Claire Fosson. Elle est si bien mise, elle a de si belles manières ! » Je n’osais froisser la soie de sa robe noire. Je ne savais pas encore que toute femme n’est que femme devant l’acte d’amour. Cette timidité me servit. Le jour qu’elle trébucha de la chaise, mon baiser répliquant au sien, elle avait dû voir en cette audace un geste à la Chérubin. La veille, en lui baisant la main, je la confirmai dans cette impression d’ingénuité sentimentale. Et c’est Chérubin qu’elle recevait chez elle, en dépit de ma stature d’athlète. Peut-être même se flattait-elle d’être l’initiatrice. Elle fixa sur moi son profond regard de nostalgique. « Si jeune ! murmura-t-elle. Ne devrions-nous pas réfléchir ? » Et puis, me baisant les yeux : « Réfléchir ? Il est bien tard ! »

Elle me fit passer dans la salle où nous nous étions vus l’autre fois. Nous nous assîmes sur un petit sopha et nos bouches se retrouvèrent. Mais l’hésitation à pousser plus avant n’était pas moins en moi qu’elle. Je palpai d’attisants contours ; je la sentais peu vêtue, toute prête. Elle répétait, me fixant encore : « Si jeune ! Si jeune ! » Je commençai pourtant de la dévêtir, dégrafant le corsage. Tels des globes de feu, ses beaux seins jaillirent. Ils palpitaient sous ma main comme des tourterelles. Elle se leva, ouvrit une