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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/200

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l’étranglât. Je me permis de décrocher son corset, ce qui libéra les seins. Ses cris cessèrent ; elle apaisa ses gémissements. Je la pris, l’étendis de tout son long sur mon lit, en déployant avec soin le taffetas de la crinoline. Presque aussitôt elle ferma les paupières, s’assoupit, narines et lèvres frémissantes. Qu’elle était belle ainsi ! Son cou fièrement élancé, ses épaules pleines, ses palpitantes rondeurs, je découvrais tout cela, que j’aurais pu caresser sans qu’elle en eût conscience. Mais je me défendis contre ces suggestions en couvrant d’un voile les joyaux tentateurs. Qu’allait-elle penser, qu’allait-elle dire en revenant à elle ? Sous l’encerclement de la crinoline, j’entrevoyais les blancheurs de dessous à dentelle, jupon plissé, pantalon descendant jusqu’aux bas jarretés d’une moire à boucle d’argent. La tête, je l’avoue, commençait à me tourner.

Je crois bien qu’une heure s’était écoulée quand, enfin, Mme Quincette rouvrit les yeux. Du rose lui teinta les joues. Elle regarda autour d’elle sans manifester l’égarement auquel je m’attendais. Elle se souleva :

— Mon Dieu, monsieur Fargèze, quelle scène vous ai-je faite ! balbutia-t-elle.

Elle prit une pause, puis :

— La chaleur, cette plaisanterie d’étudiants… Je suis d’une nature si nerveuse !

— Vous m’avez fait un peu peur, dis-je simplement.

Elle vit le désordre de sa poitrine, s’en émut, ouvrit vers moi des yeux chargés d’inquiétude. Mains croisées, toute songeuse, elle s’assit sur le bord du lit. « Monsieur Fargèze, combien je suis confuse ! Je me sens accablée de honte ! » Elle me regardait sans oser faire un mouvement. Il eût fallu que je fusse bien dénué d’esprit pour ne pas comprendre l’intense détresse de cette femme élégante, qu’une défaite de ses nerfs avait amenée à un tel abandon de ses pudeurs. Cela m’imposait tout au moins un devoir de décence. Renonçant à jouer le jeu que pouvait m’offrir une situation si singulière, j’eus assez de sang-froid pour rompre d’un mot notre embarras commun.

— Je vais sortir un instant. Disposez de ma chambre. Il