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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/218

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CHAPITRE SIXIÈME

Madame « Quelle-heure-est-il ».
Les petites Liaubert. Détournement de mineures.
Je glisse vers la trentaine.

Je faisais peau neuve. Je menais, à présent, la vie d’un jeune homme cueillant le plaisir sans se lier à celles qui le lui dispensent. J’allais de la blonde à la brune, m’ingéniant à varier les fleurs plus ou moins fraîches de mon bouquet. Les femmes qui évoluaient au Quartier, je les connaissais toutes, et pour peu qu’elles en valussent la peine je les occupais quelques instants. J’avais aussi de ces passantes qu’on pourrait rencontrer le lendemain sans les reconnaître. Ce que me rapportait mon travail de copiste ne suffisait pas toujours à payer cette insouciance voluptueuse, mais si je ne demandais plus à mon père de régulièrement y contribuer, je frappais à sa caisse dès que le diable menaçait ma poche. Un voyage à Saint-Brice me ravitaillait comme par enchantement.

Les Piquerel, tenanciers de l’hôtel-restaurant de la rue Monsieur-le-Prince, composaient un pittoresque assemblage. Mme Piquerel avait eu de la beauté et s’appliquait à en utiliser les restes. Asthmatique et cardiaque, son mari, ex-sommelier chez Bignon, se recommandait de la plus belle gueule de coco qui pût échoir à un homme. Piquerel s’occupait du restaurant, Mme Piquerel donnait ses soins à l’hôtel. Délicate était la table, moelleux étaient les lits, sans compter que Mme Piquerel se montrait secourable aux pensionnaires démangés de luxure. Son débordant