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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/220

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Je n’étais mû, j’en puis jurer, par aucune arrière-pensée de galanterie à l’égard de ces fillettes, la joliesse qui me les avait signalées n’était pas irrésistible, en dépit de la limpidité bleue de leurs yeux enfantins. Je leur accordais cependant l’agrément de seins rondelets. Mais il arriva que Mme Caron les jeta brutalement dehors, leur préférant un locataire de meilleure paye. Je les recueillis chez Piquerel, ce qui était tenter l’enfer. Elles n’étaient pas depuis une semaine mes voisines de chambre, qu’un matin je me réveillais entre elles deux, dans leur lit. Entre elles, mais je m’explique. Françoise m’avait raconté sa vie désolante, marquée par un fait odieux : sa défloration était l’œuvre de son père. Elle n’avait pas eu la force de lui résister. Elle pleurait éperdument, et sa sœur pleurait avec elle. Je les calmai, les embrassant, asseyant enfin sur mes genoux la pauvre Françoise, qui, à peine hésitante, me laissa la caresser, pleurant encore. Mais comme l’animation de mes traits lui faisait comprendre où j’allais en venir : « Non, non, murmura-t-elle. Je suis une malheureuse. Prenez Gabrielle. » Elle venait de se mettre au lit, Gabrielle. J’y étendis Françoise, qui ne me défendit pas de la saisir, amante passive, les heures qui suivirent me la redonnant active sans qu’elle parût gênée par la présence de sa sœur, inerte et muette, mais que je sentais éveillée et attentive. Le jour venu, ce fut Gabrielle qui se leva la première. Je ne l’avais, au cours de la nuit, inquiétée par aucune caresse. Je voulus lui donner sur les joues un bonjour d’ami, mais elle tourna légèrement la tête et me livra ses lèvres. Je vis ses yeux s’éteindre ; elle fit passer en moi un saisissement délicieux.

Je pensai qu’il valait mieux que Françoise vînt la nuit dans ma chambre, et ce fut l’avis souriant de Gabrielle. Il en résulta que le matin d’après, Françoise étant sortie, je courus aux lèvres de Gabrielle, qui se donnèrent d’un tel élan que ma bouche s’en autorisa pour descendre jusqu’aux seins, et que j’eus tout et tout, de proche en proche, sans l’avoir demandé. Elle était imperforée, ayant échappé à son ignoble père. Ses pudeurs vite rassurées me charmèrent. L’immolation brusque à laquelle je dus me résoudre me laissa dans l’enivrement. En ferais-je l’aveu à Françoise ?