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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/242

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Ce furent ses seules paroles. J’allais lui répondre, quand M. Germain Thibaut passa, que je saluai. Elle me laissa, disparut dans les bureaux avec lui.

J’avais mon plan. Elle prenait son repas de midi dans un restaurant de l’Exposition. Quand elle s’y rendit, je l’invitai à déjeuner « en ville ». Elle accepta gaminement. Dans la voiture, elle se montra caressante. Nous nous embrassâmes avec la plus libre tendresse. « Vous n’êtes pas fâchée ? » demandai-je, tandis que je dédiais à sa gorge un baiser qui m’électrisa. Le don de ses lèvres fut sa réponse. Je l’emmenai galerie Beaujolais, aux Trois-Frères-Provençaux, si réputés. Nous y déjeunâmes de gourmandises. Elle babillait, débitait mille enfantillages qui me rendirent impatient d’autre chose. Nous n’étions pas loin de la rue des Bourdonnais. « Je veux vous faire visiter ma chambre », lui dis-je. Et cette proposition l’enchanta. Elle entra chez moi, y évolua sans manifester la moindre inquiétude. Je n’avais pas encore épuisé les étonnements que me réservait cette troublante jeune fille, dont si longtemps j’avais craint d’effleurer la pudeur, et qui me laissa la dévêtir, la porter nue sur mon lit — ce lit où j’avais, rêvant d’elle, connu les fureurs animales du désir.

Ces formes charmantes, comme elles se donnaient à l’amour ! Longue, svelte, fine, c’était un délicat régal que la nudité d’Éva. Des globes parfaits, de ces seins qui remuent et vivent ; un ventre à la voûte bien pleine, de nerveuses fesses qui tressaillaient sous la main. Je me jetai comme un affamé sur ces friandises. Je m’abattis de son col à ses flancs, de sa poitrine à la blonde mousse de son sexe. Ce corps de vingt ans que j’envahissais, je le serrais à le meurtrir, enragé de violation complète. J’interrogeais l’âme en plongeant dans les soyeuses profondeurs des yeux aux longs cils, ces doux et brûlants yeux qui continuaient de passionner mes sens. Éteindrais-je le feu qu’ils avaient allumé en moi ? Me rassasierais-je jamais de cette jolie créature qui s’agitait, soupirante, se cachait pudiquement le visage et consentait à tout ? Que d’amusements en elle ! Trois fois nos chairs s’étaient jointes. Il était tard. Je la couvrais encore de baisers dans le fiacre qui nous