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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/81

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pénétrer non sans me faire signe de garder le silence. La porte n’était pas refermée que je serrais dans mes bras Mme Fosson, aussi prête à recevoir mes caresses que si elle eût pris rendez-vous avec moi.

— Vous n’êtes plus fâchée ? Vous ne m’en voulez pas ?

Elle était loin de penser à cela. Elle me donnait des baisers que je lui rendais de mon mieux, passait dans ma chevelure une main animée de tremblements. Je fouillais avec une telle maladresse dans son corsage et ailleurs, qu’elle décrocha, déboutonna tout elle-même. Le jupon glissa. Je m’impatientais, tourmenté par une continence d’une semaine, mon contact avec cette nudité mûre m’excitant plus que je n’aurais cru. Nous fûmes promptement sur le lit et, ruant au but, je l’actionnai si bien que ses soupirs convulsifs rompirent le silence. Elle était inerte et roide quand je me dépris d’elle, face de morte aux yeux sans lueurs. Cependant je la rempoignai du même train, mes mains faisant pression sous ses fesses moites. Elle eut de nerveux tressauts, mordit les draps, étouffa sous l’oreiller des hoquets d’agonie. Je sentis sur mon cou la pointe de ses ongles. Puis elle s’immobilisa, bras noués, tendue toute. Elle recouvra les sens, enfin, mais ne se desserra qu’un moment après. « Qu’allez-vous penser de moi ? » murmura-t-elle. Je n’en pensais rien qui ne fût à son avantage. Elle se recoucha et nous causâmes, lèvre à lèvre. Son petit nom était Claire. Veuve depuis cinq ans d’un apprêteur en étoffes, elle avait une fille de douze ans que des parents habitant Gien gardaient auprès d’eux, et qu’elle se promettait de prendre avec elle afin de lui trouver un emploi dans le commerce. Elle eût pu se remarier, mais elle voulait rester libre, d’autant plus qu’elle gagnait bien sa vie à la fabrique dont elle était gérante. Elle eut la franchise de m’avouer qu’elle avait eu des rapports avec un voyageur de commerce, un homme d’un certain âge, en me jurant que depuis longtemps c’était fini. Sa voix était d’une sonorité grave que je n’ai pas oubliée, et qui ajoutait à l’attrait réel de sa personne. Nous nous reprîmes. Il était tard quand, m’arrachant à cette passionnée voisine, je revins sans bruit dans ma chambre. Je me