Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/146

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tel, sommeliers, barmen et portiers, sanglés dans des uniformes de hauts dignitaires, sont des princes ou jouent au prince désabusé, baisant la main des soupeuses, et méprisent hautainement le client, par principe, comme le boyard méprisait le moujik, et le Grand-Duc Lucien Guitry. Avec un certain toupet, d’ailleurs. Mais, ici, on leur pardonne cette hauteur, car on se demande quel peut bien être le noctambule éperdu qui se glisse dans ces antres sans lumière et sans chair.

Voici un Allemand du type judéo-cinématographique, venu en France pour tourner Molière, Renan et Courteline… Il est flanqué de son épouse, ancienne tenancière de quelque chose, salon ou banque, dans le Berlin d’avant Hitler, et collectionneuse de fourrures, ainsi que la rue de la Paix ne saurait tarder à l’apprendre. En attendant, tous deux ont droit à l’admiration des princes faux ou vrais, arméniens ou lapons, des marchands de perles, nobles récents, des metteurs en scène byzantins qui confondent Renoir et Dranem, un Vosne Romanée et l’Idéal Watermann ; de ces gens, enfin, qui ont l’air de souffrir d’une dyspepsie de chèques sans provision ou d’expulsions mal digérées, et qui paraissent danser en chaussettes dans le souvenir de Saint-Pétersbourg.

Voici, qui bâillent à côté d’eux, bouffis de suffisance et marinés dans la même nullité, deux jeunes représentants du cinéma français, et quand je dis cinéma, c’est pour être poli. Elle, très femme de chambre de grande grue de chef-