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Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/148

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MONTPARNASSE

Montmartre n’a pas, dans la langue, de déformation populaire. Quelques chansonniers ont bien dit Montmertre, mais le mot n’a pas fait fortune. Tandis que Montparnasse a accepté d’être Montparno, comme Sébastopol est devenu Sébasto ; puis Topol. Je suis de ceux qui préfèrent Montmartre à Montparnasse, même depuis que Montmartre est devenu un repaire de danseurs, de bricoleurs frivoles et bien vêtus, et de gens du monde « qui font la nuit comme on fait de la peinture ». Montmartre a pour moi plus d’humanité, plus de poésie, plus de classe, et, comme dit l’autre, on s’y défend encore, ce qui signifie que l’on y est encore chez soi. Tout autre est l’atmosphère de Montparnasse, quartier minuscule et grouillant, sans histoire et sans légende, et dont le grand homme paraît bien être Antoine, qui fit partir de la rue de la Gaîté tout le théâtre moderne.

Il y a deux Montparnasse. Celui qui se livre sans discrétion, sans retenue, celui de la rue. Celui du carrefour Montparnasse-Raspail, où s’étale tout le déchet — et parfois l’élite — de l’Europe « intellectuelle et artistique ». Tel poète obscur, tel peintre qui veut réussir à Bucarest ou à Séville, doit nécessairement, dans l’état actuel du Vieux Continent, avoir fait un peu de service mi-