Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/20

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dixième arrondissement, après avoir connu la rue du Colisée, pour entrer au collège Rollin, où je trouvai Barbusse, qui fut bon élève. Nous habitions rue de Dunkerque.

Avant de revenir dans ce quartier énorme, imposant, étayé par deux gares, nous passâmes par Passy. Mais, la seconde fois, nous nous installâmes dans le dixième pour tout de bon. Une sorte de passion nous ramenait là, boulevard Magenta, puis faubourg Saint-Martin, et j’y serais encore si la Compagnie de l’Est ne nous avait expropriés avant de nous faire remonter rue Château-Landon, à la Chapelle, dans ce cirque grouillant et sonore où le fer se mêle à l’homme, le train au taxi, le bétail au soldat. Un pays plutôt qu’un arrondissement, formé par des canaux, des usines, les Buttes-Chaumont, le port de la Villette, cher aux vieux aquarellistes…

Ce royaume, un des plus riches de Paris en bains publics où l’on attend comme chez le dentiste, est dominé par la ligne aérienne du métro qui le couronne comme un frontail. Vers le Nord, la rue d’Aubervilliers part comme une longue kermesse, pleine de boutiques à en plier. Marchands de pieds de porc, de dentelles au poids, de casquettes, de fromages, de salades, d’arlequins, d’épinards cuits, de chambres à air d’occasion qui se chevauchent, s’entre-pénètrent, s’emboîtent, pareils aux éléments d’un Meccano de cauchemar. On y trouve l’œuf à six sous, le jarret de veau « à profiter », le morceau de brie laissé pour