Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/250

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temps de Mme Nerissaie de Lalande, qui avait son petit théâtre privé, de Francis Magnard, de Lesseps, de la comtesse de Sireuille, de Mlle de Crémont, de tous ceux qui surent maintenir Paris dans un magnifique costume d’apparat et de gentillesse, de telles abominations n’eussent point été permises ! Me voici contraint de déménager, de quitter cet hôtel où j’ai traité en ami Guy de Maupassant, un Parisien un peu rude, celui-là, et qui avait pris la manie d’oublier chez moi ses maîtresses.

— Maupassant ?

— Oui, oui, cela dura six mois. Ah ! mais, ce qu’il en avait ! Il y eut une période où il en changeait chaque semaine. Il ne les reconnaissait plus. J’avais l’habitude de recevoir ici quelques amis le vendredi après-midi, et souvent ces messieurs restaient pour le diner. Maupassant, qui professait qu’on ne se débarrasse bien d’une maîtresse qu’en la repassant à quelque ami dans le besoin, entrait ici accompagné d’une charmante femme et ressortait aussitôt, après lui avoir dit qu’il reviendrait la chercher dans une petite demi-heure. Naturellement, il s’excusait de ce sans-gêne et, naturellement aussi, il ne reparaissait plus. Entrait alors un de mes amis qui se chargeait, au bout de la soirée, de reconduire chez elle la jeune personne abandonnée dont il finissait par s’éprendre. La dernière de ces dames vient de mourir marquise dans une station thermale. Elle était d’un âge plus que solennel.

Ce charmant comte avait déjà oublié la raison