Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/27

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duquel cuisent des péniches, des passerelles aux courbes d’insectes amoureux, des quais robustes et désespérés, des fenêtres fermées sur des misères violentes, des boutiques pour lesquelles le métro aérien imite Wagner et Zeus, des garnis lourds et bruns comme des algues, de belles filles de boulevard poussées dans ce jardin sévère avec la grâce littéraire des ancolies, des bougnats, des trains qui ont la longueur d’un instant de cafard, des chats qu’on sent lourds de moulins à café, des potassons sédentaires, des bouifs centenaires, des dentistes quaternaires… le tout auréolé des fumées des trains et des bateaux qui barbouillent les ponts de savon à barbe et font penser à la Géographie. Bâle, Zurich, Bucarest, Coire, Nancy, Nuremberg, Mézières-Charleville, Reims et Prague, tous ces jouets de la mémoire me viennent de la gare de l’Est…

Et puis, il y a les drames d’entre péniches, les coups de blanc sur des zincs luisants comme des rails ; il y a les amours verdâtres des chambres malsaines et douces, la vie intérieure des concierges, le galop des chevaux de brasseurs, les batailles des camions et des marchés ; il y a les clients de passage et les habitants de toujours, les démonstrations d’accordéons, des bals comme le Tourbillon, les bancs, les entrepôts, les escaliers, les sirènes, labyrinthes de sentiments et d’allées et venues que mon cher Eugène Dabit avait très bien sentis, lui qui était de mon coin, et du bâtiment. On a bien essayé de rendre tout cela dans le film arraché à son gen-