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FEU MONTMARTRE

J’ai trouvé, me disait récemment un Anglais, pourquoi les Parisiens ne voyageaient pas : Ils avaient Montmartre. Car on voyage pour aller à Montmartre. Canadiens, Sud-Américains en déplacement, Allemands ou Slaves achetaient des valises et sollicitaient des passeports pour venir à Montmartre, Patrie des Patries nocturnes. Un grand romancier disait un jour que les quatre forteresses du monde occidental étaient le Vatican, le Parlement anglais, le Grand État-Major Allemand, l’Académie Française. Il oubliait Montmartre, cinquième forteresse, plus imprenable peut-être que les autres et qui survivra aux chambardements. Bien plus, Montmartre bénéficiera certainement d’un renouveau de poésie quand le monde aura changé, comme on dit aujourd’hui. On écrira des vers et on fera de la peinture dès qu’on parlera moins de politique. Les rapins et les poètes de ces dernières années en sont réduits à devenir militants et à fréquenter des cercles révolutionnaires. Le congrès des écrivains pour la Défense de la Culture est bourré de bohèmes. Ils ont moralement déserté les hauteurs de la rue Lepic pour prendre part au murmure contemporain. Et il en est de Montmartre comme de ces petites nations d’avant-guerre qui ne servent plus qu’à la confection des opérettes,