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Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/36

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Pharaons. Un œil exercé, une mémoire tendre ne se laissent pourtant pas prendre aux changements de décor. Il y a un Montmartre qui ne cédera qu’à la demande de la dynamite : la place du Tertre et son Coucou, où se réunissaient autrefois ceux de la Patrie française ; les restaurants et les terrasses de ce paysage à la fois artistique, alpin, politique, catholique, virgilien et bourgeois, où tous les Européens célèbres sans exception ont au moins pris un verre. Léon Daudet a bien raison d’écrire que Montmartre est un Paris dans Paris dont Clemenceau fut le maire. Un jour que je cheminais rue Lamarck, d’où l’on aperçoit tout le puzzle de la Capitale, avec un ami du Tigre qui avait fait le coup de feu pendant la Commune, nous fûmes abordés par un grand personnage de la République qui se trouvait à Montmartre en voyage officiel.

Voyage officiel ? demanda l’ami de Clemenceau. Vous venez inaugurer une statue, créer une Loge ou décorer un peintre mort ?

— Pas du tout, je viens faire une démarche auprès d’un indigène qui ne se dérange pas. Montmartre a des parties communes avec l’Olympe, et c’est ici que je me suis créé mes plus belles relations : Zola, Donnay, Capus, Picasso, Utrillo, Max Jacob et même Vaillant…

Et le haut personnage nous entraîna sur la Butte chez Steinlen, qui vivait presque avec autant de chats que Léautaud. Steinlen était venu à Paris avec une lettre de recommandation pour un peintre inconnu dont on savait seulement qu’il