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Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/44

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Du temps que Jules Lemaître écrivait des préfaces charmantes pour les contes du Chat Noir, Montmartre fut la patrie des cafés dits célèbres, réservés à certains initiés, où se réunissaient des artistes, poètes et peintres, qui échangeaient des idées et contribuaient à entretenir ce qu’on a appelé l’esprit parisien. On travaillait, on rimait, on composait au café. Des albums paraissaient, qui reproduisaient la peinture de premier choix dont s’ornaient les cabarets. Aujourd’hui, cette peinture a pris le chemin des collections particulières, et les mots d’esprit viennent surtout de la Société des Nations… Il reste encore de la peinture chez Graff (chez Farg, comme me dit toujours avec admiration un garçon qui a l’habitude de lire à l’envers…). Mais quelle peinture ! Elle est pourtant à l’image de notre époque, romanpolicière et cinématographique, et les mères des danseuses nues de Tabarin qui hument la choucroute en attendant leurs filles la contemplent avec une satisfaction touchante. Le dernier café littéraire et artistique qui survécut à la révision des valeurs après la guerre fut le Franco-Italien, où Béraud, chaque soir, cueillait des grappes d’approbations dans des groupes de journalistes, qui avaient alors tout juste de quoi s’offrir un plat de spaghettis.

Mais le vrai café de Montmartre a changé. Il est parfois aussi accueillant qu’autrefois, et l’atmosphère qui s’y respire est toujours celle d’une vie de bohème. Mais le décor en a subi de profondes transformations. Le café de Montmartre,