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Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/54

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clientèle, un peu estomaquée quand même, admirait sans réserves, soutenue par un bataillon d’esthètes anglais, de sculpteurs monténégrins et de marchands de cocaïne prudents. Ceci es à noter. Le « Bœuf » fut toujours irréprochable : trafiquants de drogue ou de perles, laveurs de chèques eurent généralement le bon goût de garder leur marchandise dans leurs poches.

Les difficultés avec la police ne cessèrent que sur l’intervention de M. Bader, des Galeries Lafayette, et Moyses obtint enfin l’autorisation de la nuit. Mais la maison bourgeoise dans laquelle s’incrustait le bar ne se tint pas pour battue. Après avoir compté sur l’extérieur pour la délivrer, elle se rabattit sur l’intérieur. Cela fit songer aux dernières cartouches de Bazeilles. La veuve d’un notaire fameux groupa les locataires de l’immeuble en un faisceau, se plaignit, au nom d’une association, de ne pas avoir fermé l’œil depuis des années, et arracha à l’administration l’expulsion de Moyses. Une crise allait commencer. Le « Bœuf » s’installa dans la même rue, en face de ses propres souvenirs, dans une boîte qui portait la guigne, et ne put s’y tenir. C’est alors que l’on prit le chemin de la rue de Penthièvre, avec le grand Chobillon, ancien Saint-Cyrien, comme gérant.

Le « Bœuf » de la rue de Penthièvre était encore le « Bœuf ». Mais déjà se mêlait aux habitués du type mondain-artiste une clientèle nouvelle composée de gigolos encore au lycée et d’employés de commerce qui eurent le front