Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/95

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respectueuse des traditions, qui n’a qu’un œil pour le cinéma, une oreille pour le concert, continue d’adorer en secret ceux qui savent bien dire les vers classiques et vivre avec véhémence les grandes scènes du théâtre moderne. Il fallait voir l’accueil réservé à Féraudy quand il jouait Les Affaires sont les Affaires.

Ces badauds ont pour les comédiens la vénération presque sectaire que les amateurs de vélo ont pour les champions du Vel’ d’Hiv’ ou du Tour de France, les jeunes boxeurs du faubourg Saint-Denis pour les as du ring qui prennent l’avion pour aller se battre, les pelousards pour les jockeys, les maires de campagne pour le député du patelin qui devient ministre.

J’admire ces sentiments lorsqu’ils sont sans mélange, comme chez la concierge du Théâtre Français, qui a l’honneur d’assister à l’arrivée et au départ des grands premiers rôles de l’établissement et de les voir déposer leur clef dans le casier, ou leur perruque sur la table afin qu’on y fasse une mise en plis pour le lendemain.

Toute cette partie de la place est « sous le signe » du Louvre, les drapeaux que l’on aperçoit sont ceux des magasins du Louvre, et ces émeutes inoffensives que l’on devine dans le lointain, ce sont les bataillons de la clientèle du Louvre.

Stock aussi a ses fervents, et la Civette les siens. Ceux-là feuillettent avidement quelques conseils sexuels pour la jeunesse ou les Dix Commandements du Constipé, en ayant l’air de s’intéresser au Voyage en Orient, de Gérard de Ner-