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TOUTE SON ÂME

VINGT OCTOBRE. — Hier, j’étais complètement découragé, je ressentais un immense dégoût. Mon cœur n’avait pas le moindre tressaillement. Mon idéal était mort, ma pensée était morte. Tant de labeur accompli pour m’instruire, tant d’efforts pour acquérir la vertu, cela me pesait, m’irritait. Il me venait l’idée absurde de tout jeter aux quatre vents, de m’anéantir moi-même, d’épuiser la coupe des jouissances. À quoi bon travailler ! À quoi bon lutter ! Délivrons-nous, brisons le joug. À moi la liberté, à moi tous les plaisirs !

Qui n’a parfois de ces heures mornes où l’âme semble renoncer à l’espérance, où le cœur ne vibre plus pour le bien, où l’être entier se débat dans le marasme ? D’où ce phénomène peut-il venir ? Je ne sais. Peut-être est-ce la nature qui se venge ? Peut-être Dieu retire-t-il sa grâce pour nous faire sentir ce que nous serions sans son appui divin ?

Aujourd’hui, j’ai retrouvé un peu de force, malgré que j’aie des sursauts d’amertume. Les événements qui viennent de se passer m’inquiètent et m’humilient. Pourtant je sais bien que ces choses-là ont peu d’importance. Mais, ce qui m’attriste, c’est de me sentir seul, c’est de n’avoir personne à qui je puisse me confier. À certaines heures plus mélancoliques, mon âme appelle au secours : Quelqu’un ! Quelqu’un ! Je demande quelqu’un pour m’entendre, pour me comprendre, pour m’aider.

Dans mon enfance, je me confiais à ma mère. Maintenant, c’est curieux ! si je l’aime toujours, il y a des secrets que je ne puis plus lui confesser. Que n’ai-je encore mon père ? À lui peut-être je pourrais les avouer ; ou bien