Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/12

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pour une âme à peu près dépouillée de corps ; – une jolie âme d’ailleurs, propre et fraîche, quoique vieillotte ; mais une âme étrangère au monde des hommes ; une âme religieuse et chimérique, que trente ans de confessionnal n’avaient pas instruite des réalités de la vie. L’abbé Buire, prêtre très pur, haïssait le siècle et, par conséquent ne le comprenait point. En sorte qu’il n’était pas du tout un directeur mondain, ce qui sans doute valait mieux pour lui, sinon mieux pour ses pénitentes.

Alice Dax était de celles-ci depuis toujours. L’abbé Buire avait eu sa première confession de toute petite fille. Il avait combattu successivement ses gourmandises, ses paresses, ses colères, ses vanités enfantines ; il combattait maintenant l’éveil inquiet de ses sens. Mais le combat n’était pas bien acharné. Non que le prêtre fût accessible à aucune indulgence coupable : mais la jeune fille était pieuse ardemment ; et l’abbé Buire l’estimait une brebis d’élection parmi le troupeau perdu des fausses chrétiennes d’aujourd’hui.


— … Et que le bon Dieu soit avec vous, ma chère petite, ce soir et toujours. Vous venez vous confesser ? Mais est-ce que c’est la date ?

— Non, père, il s’en faut de huit jours. Mais comme nous partons mercredi pour la campagne…

M. Dax, calviniste et intolérant, avait épousé, par une incompréhensible folie, une catholique ; et ç’avait été l’une des conditions du mariage, que les filles à venir fussent élevées dans la foi de leur mère. M. Dax