Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/15

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m’asseoir comme ça… Vous vous rappelez quand j’avais sept ans ?

L’abbé Buire se rappelait vaguement. Mais les enfantillages de cette grande personne en âge de pécher lui étaient une édification. Le royaume des cieux n’est-il pas à ceux qui sont comme les petits enfants ?

— Et quoi de nouveau, chez vous, Alice ?

— Pas grand’chose !

Elle dévida le chapelet du mois, les incidents sans relief de sa vie très monotone : – les leçons de piano, interrompues après la grande audition annuelle ; on avait joué un morceau à vingt-quatre mains ; – les leçons d’aquarelle : madame Séverin, malade, s’était fait remplacer par une maîtresse nouvelle, qui emmenait tout le cours à la campagne, pour des études d’après nature ; – enfin, le dispensaire… car mademoiselle Dax sacrifiait à la manie contemporaine, qui met les Françaises du vingtième siècle à l’école, non plus de Trissotin, mais de Diafoirus.

— … Et à la maison ?

— À la maison, c’est toujours pareil, père !…

Et mademoiselle Dax se tut soudain avec un gros soupir.

Hélas ! c’est qu’à la maison, c’était plus souvent noir que rose ; mademoiselle Dax, très tendre et sensitive, ne trouvait jamais, sous le toit familial, rien qui étanchât sa grande soif d’aimer et d’être aimée…

M. Dax, calviniste, Cévenol, et quelque peu Camisard, professait un mépris biblique pour les câlineries et les caresses. Madame Dax, méridionale, bruyante,