Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/191

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Comme juste, la roulette et le trente-et-quarante furent bientôt de la fête. Et dès la seconde semaine, mademoiselle de Retz, qui ne savait rien faire à demi, perdit jusqu’à son dernier billet bleu.

— Ça m’est bien égal ! – déclara-t-elle insouciante. – J’ai du pain sur la planche : quatorze éditions de mon dernier bouquin que je n’ai pas encore touchées… J’aurai le chèque avant trois jours, et je prendrai une belle revanche…

— Aïe ! voilà ce que je craignais !…

— Mon cher, le genre humain se divise en deux familles : celle des joueurs et celle des notaires. J’ai beaucoup d’estime pour la seconde ; mais je suis de la première. Ça vous déplaît ?

— Du tout !… ça me déplaît même d’autant moins que nous devons être parents : car je ne savais pas appartenir à la famille joueuse… mais je suis très sûr d’être étranger à la famille notaresque…


Ils faisaient un couple d’amants fort original : toutes leurs journées se passaient en menues querelles ; et ils se criblaient mutuellement d’épigrammes et de railleries… Seul leur goût commun pour les beaux sites et les larges horizons les réunissait parfois en des admirations muettes. Mais l’instant d’après ils recommençaient à se harceler…

Peut-être cherchaient-ils ainsi, par pudeur orgueilleuse, à se cacher l’un à l’autre la vraie valeur et les proportions réelles de ce qu’ils nommaient leur caprice…..